Jeudi 12 juin 2025, à l’auditorium du Pôle Chabran de Draguignan, la Journée Interprofessionnelle Petite Enfance s’est ouverte par une conférence animée par Philippe Bouteloup et Sophie Marinopoulos, intitulée : « La santé du tout-petit, elle est culturelle». Une affirmation essentielle qui invite à repenser les premières années de vie à la lumière de notre société, de ses mutations, de ses fractures… et de ses espoirs.
Dès les premières minutes, les intervenants ont donné le ton : parler de la santé du tout-petit, c’est avant tout parler de lien, de relation, d’humanité. Car, loin d’une définition strictement médicale, la santé chez le jeune enfant est aussi – et peut-être surtout – une construction culturelle. Elle est faite de représentations, d’héritages, de pratiques, mais aussi de ce que la société offre ou oublie d’offrir à ceux qui viennent au monde.
Sophie Marinopoulos a ensuite présenté le projet des “Pâtes au Beurre”, un lieu d’écoute et de rencontre parents-enfants, comme un exemple vivant de cette approche humaniste : un espace pensé avant même l’arrivée des familles, où chacun peut déposer ses doutes, ses tensions, ses questions. « Se rencontrer, c’est exercer la capacité de penser », a-t-elle rappelé. Et cette capacité devient cruciale à une époque où la précipitation, l’immédiateté et la frustration s’imposent dans les rapports humains.
Le bébé, être relationnel et social
Un point fondamental a été souligné : le bébé n’est pas un être en devenir, mais déjà un être riche de compétences relationnelles. Il perçoit, il ressent, il s’exprime. Encore faut-il savoir l’écouter, reconnaître ses envies, et surtout, lui donner le sentiment d’exister.
L’ouvrage de Maurice Bergé « Voulons-nous des enfants barbares ? » a été évoqué pour rappeler que certains troubles précoces trouvent leurs racines dans une carence affective, une difficulté à entrer en lien. La barbarie, ici, n’est pas un acte de violence, mais l’oubli de l’autre. Une idée qui fait écho aux tensions contemporaines : individualisme, repli sur soi, perte du lien.
Pour une posture professionnelle ouverte et engagée
Le défi est donc autant éducatif que sociétal. Il s’agit de repenser la posture des professionnels de la petite enfance : non plus comme simples exécutants, mais comme acteurs de la relation, de l’ouverture, de la rencontre. Cela passe par une formation qui ne contourne pas les sujets sensibles : individualisme croissant, inégalités sociales, cloisonnement des publics.
La question n’est plus seulement : « Que faisons-nous pour les enfants ? », mais aussi : « Que faisons-nous du monde dans lequel ils arrivent ? » C’est toute la puissance de la notion de transitionnel, que les intervenants ont subtilement réinterrogée. Ce n’est pas l’objet en soi qui est transitionnel, mais l’intention que l’adulte y place, la relation qu’il construit autour.
Pour conclure, Philippe Bouteloup et Sophie Marinopoulos ont insisté sur l’importance de “donner une âme” à nos pratiques, de permettre au bébé de “consentir à entrer dans le monde”, de l’accompagner dans ce mouvement paradoxal où il se différencie tout en se sentant relié.
La santé du tout-petit est bien culturelle, car elle est tissée de récits, de regards, de présences. Et si l’un des grands défis du XXIe siècle est bien de recréer des espaces de rencontre, alors cette conférence nous rappelle qu’il faut, dès la naissance – et même avant – croire au pouvoir de la relation et de la pensée.

Cette journée s’est ensuite terminée par une table ronde, avec des témoignages d’artistes, valorisant l’approche artistique auprès du jeune enfant et son parent : Philippe Bouteloup, Dominique Rateau , La compagnie La Dérouleuse, le collectif Tutti et Pascal Bély.
